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Romans du “réalisme magique”

25,59 €

Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude, Salman Rushdie, Les Enfants de minuit, Yan Lianke, La Fuite du temps

par Caroline Lepage, Marianne Hillion et Philippe Postel

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Traitant d’ouvrages au programme 2024 et 2025 de l’agrégation externe de Lettres modernes, l’ouvrage propose tous les éléments nécessaires à la réussite du candidat.

Comme tous les Clefs-concours de Lettres modernes, l’ouvrage est structuré en quatre parties :

-Repères : le contexte historique et littéraire;
-Problématiques : comprendre les enjeux de l'œuvre;
-Le travail du texte : questions de langue, de stylistique et de grammaire;
-Outils : pour retrouver rapidement une définition ou une référence.

Fiche technique

Référence
460898
ISBN
9782350308982
Hauteur :
17,8 cm
Largeur :
12 cm
Nombre de pages :
608

Introduction

REPÈRES ET ANALYSES

GARCÍA MÁRQUEZ, CENT ANS DE SOLITUDE

Repères

Analyses

Sources

Structure

Une œuvre symbole, métaphore et emblème au cœur de grands enjeux critiques

RUSHDIE, LES ENFANTS DE MINUIT

Repères

Naissance d’un écrivain, entre l’Inde et l’Angleterre

Un espace littéraire tripartite

La fatwa et ses conséquences : vie cachée, personnage public

Le tournant américain, Rushdie écrivain de la mondialisation

Analyses

Écrire l’Inde depuis l’Angleterre

L’éclectisme des sources

La structure du roman

Un roman postmoderne ?

Un roman postcolonial ?

YAN LIANKE, LA FUITE DU TEMPS

Repères

Une histoire traumatique

Un homme entre deux mondes

Un écrivain local, national et international

Analyses

Le réalisme socialiste

Au confluent de plusieurs courants littéraires

Le réalisme magique et le mythoréalisme

Une structure romanesque désenchantée

Une réception ambiguë

THÉMATIQUES

Le narrateur et les personnages

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

L’art du conteur

Padma, un public idéal ?

L’antagonisme entre le narrateur-protagoniste et le lecteur

Le fantasme de l’unité

contre l’identité instable des personnages

La Fuite du temps

Le Narrateur

Des personnages aux contours indécis

Systèmes de personnages
Le temps

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit :

LE TEMPS ET LA MÉMOIRE DÉRÉGLÉS

Le temps destructeur

L’ombre de la fin

Les errances créatives de la mémoire

La Fuite du temps

Le temps linéaire chahuté

Le temps cyclique et la transformation

Le retour à l’origine et le temps mythique

Histoire, pouvoir et nation

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

Un protagoniste “enchaîné à l’histoire”

Contrer le récit d’unité nationale

Filiations coloniales

Préserver et réinventer, la chutnification de l’histoire

La Fuite du temps

Absence et présence de l’histoire

Le traitement satirique de l’histoire

Le fonctionnement de l’histoire

Espaces

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

Bombay, ville “impure” de la modernité

La ville, assemblage de fictions contradictoires

Le rejet du “pays de la pureté”

Le Cachemire et les Sundarbans, paysages hostiles

La Fuite du temps

Le village au centre

Environs immédiats

Villages voisins

Liens avec le reste du pays et le reste du monde

La campagne vs la ville

Mouvements

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

Mouvements forcés : chassés, exilés, expulsés

Exils et métamorphoses

Une traversée de la société indienne

La Fuite du temps

Entrées

Sorties

Allers et venues

Endo- ou exogamie ?

Bilan

Mythes, croyances, magie

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

La tension entre réel et surnaturel

Combattre ou succomber à l’illusion ?

Remanier les mythes

Un orientalisme ironique

La Fuite du temps

Religion et mythologie dans la tradition chinoise

Dieux, revenants, immortels

Les rites

Les superstitions

Les mythes

Le merveilleux

Les merveilles

Les prodiges

La vision holiste du ciel et la terre

Amour et sexualité

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

Exaltation de l’impureté et sexualités frustrées

Amours destructrices

Femmes menaçantes

La Fuite du temps

Le triangle amoureux

La pulsion érotique

Une société patriarcale

La sexualité infantile et adolescente

Les sens

Cent ans de solitude

Les Enfants de minuit

Une écriture multisensorielle

Revaloriser le bas corporel

Synesthésies magiques

Caroline Lepage est professeur des Universités à Paris Nanterre.

Marianne Hillion est agrégée d’anglais et maîtresse de conférences d’études anglophones à l’Université de Strasbourg.

Philippe Postel est maître de conférences HDR en littératures comparées à Nantes Université.

LES ENFANTS DE MINUIT

L’histoire de l’Inde contemporaine a une place centrale dans Les Enfants de minuit, qui embrasse plus de soixante ans d’histoire (de 1915 à 1978) et met en scène des personnalités politiques (Indira Gandhi, Muhammad Ayub Khan, Sam Manekshaw), aux côtés d’êtres de fiction. La formation d’historien du romancier n’est sans doute pas étrangère à la réflexion que propose cette “métafiction historiographique” [HUTCHEON, 1989] sur la manière même dont l’histoire de l’Inde s’est écrite, d’autant plus qu’il s’inspire du manuel d’histoire de Stanley Wolpert, voix historique dont il conteste la validité [LIPSCOMB, 1991]. Le texte donne aussi à penser le rôle primordial de l’imagination collective et des récits dans la construction de la nation, précurseur des analyses de Benedict Anderson (Imagined Communities est publié en 1983). Toutefois, si la littérature postcoloniale a joué un grand rôle dans la formation des nations nouvellement indépendantes, notamment par la réécriture d’une histoire auparavant écrite depuis la perspective des puissances impériales, Les Enfants de minuit, écrit à la veille des années 1980, s’éloigne de cette tradition. Rushdie se montre sceptique vis-à-vis du nationalisme et met en récit l’éclatement de la nation, l’échec des promesses de renouveau et d’unité dans la diversité, mais exprime aussi sa nostalgie pour le désordre d’une nation plurielle. En s’inventant des parentés multiples, le protagoniste invite son auditoire à interroger tout récit des origines et à considérer la nature arbitraire des discours historiques et la dimension instable de toute vérité.

Un protagoniste “enchaîné à l’histoire”

La trame du roman est tout entière fondée sur la croyance du narrateur en une connexion fatale entre sa vie personnelle et l’histoire de la nation indienne, résultant de sa naissance à minuit le 15 août 1947: “mon destin [est] indissolublement lié à celui de mon pays” (I, p. 13). La métaphore courante de la connexion entre individu et nation est littéralisée par le narrateur, qui inverse la causalité historique en pensant l’individu responsable de l’histoire [KORTENAAR, 1995, p. 43]. Ce “solipsisme fou” de Saleem a initialement été pensé par l’auteur comme un procédé comique, et est devenu ensuite une méthode narrative puissante, qui forme la colonne vertébrale du roman [RUSHDIE, 2017].

Comme il l’expose dans le chapitre “L’enfant Kolynos”, l’interférence entre histoire personnelle et nationale se manifeste de manière littérale ou métaphorique, active ou passive, quatre modalités qui se mêlent sans cesse – autre exemple de tentative de mise en ordre du narrateur. D’une part, la connexion entre destin individuel et histoire nationale peut être métaphorique, mise en évidence par des parallèles, tel que celui établi entre le bombardement d’Hiroshima et le déferlement d’insultes de Naseem lorsqu’elle découvre le mariage non-consommé de sa fille. Cette connexion est surtout mise en évidence par le corps de Saleem, son visage difforme étant cruellement assimilé aux contours de l’Inde (II, p. 409), sa tonsure de moine, son doigt coupé et sa stérilisation symbolisant par analogie la nation amputée des territoires attribués au Pakistan, en écho au drap troué et à la cavité dans la poitrine de son grand-père. La menace de pulvérisation du corps du narrateur, qui lutte avec acharnement contre sa désintégration, est un miroir déformé de la fragmentation de la nation. Neil Kortenaar analyse la littéralisation comique de la personnification de la nation: “Dans Les Enfants de minuit, la métaphore de la nation comme personne devient littérale, et donc comique: si l’Inde était une personne, elle serait grotesque, et, comme Saleem, sa paternité serait sujette à débat, sa capacité à raconter son histoire discutable” [KORTENAAR, 1995, p. 46, notre traduction]. Ce rapport est parfois créé par simple écho verbal, comme celui qui structure le chapitre “L’assèchement et le désert”.