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La peur

12,90 €
TTC

Par Anne Bazin, Cédric Passard, David Descamps, Agathe Foudi, Denis Ramond et Sidonie Verhaeghe.

   

La clef du concours commun des IEP 2022 et 2023

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Et en lettre suivie pour la France métropolitaine !

Traitant d’un des trois thèmes au concours commun d'entrée 2022 et 2023 des Instituts d'Études Politiques de province, cet ouvrage réunit des spécialistes des questions contemporaines pour offrir un outil extrêmement pratique et intelligent pour des élèves peu habitués à présenter des concours. L’ouvrage est structuré en trois parties :

   -  Repères : découvrir et comprendre l'esprit, les épreuves du concours et les attentes du jury.

   - Thèmes : chaque thème est traité sous ses aspects historiques, politiques, sociologiques, géographiques, économiques mais aussi culturels (littérature, cinéma, histoire de l'art, etc.) ainsi que philosophiques.

   - Outils : les notions, les acteurs, les dates, les auteurs et les citations à retenir.

Fiche technique

Référence
460787
ISBN
9782350307879
Hauteur :
17,8 cm
Largeur :
12 cm
Nombre de pages :
144
Reliure :
broché

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13

QUELQUES CONSEILS MÉTHODOLOGIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

1. APPRÉHENDER LA PEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

2. LES RESSORTS PSYCHOLOGIQUES DE LA PEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

3. LA PEUR, UN OBJET ANTHROPOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

4. LES PEURS DANS L’HISTOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

5. LA PEUR DE L’AUTRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51

6. LA PEUR COMME IDÉE POLITIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57

7. LES POLITIQUES DE LA TERREUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

8. LES RHÉTORIQUES POLITIQUES DE LA PEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69

9. PEUR ET RATIONALITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75

10. LA PEUR DU PEUPLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .81

11. PEUR, INSÉCURITÉ ET SENTIMENT D’INSÉCURITÉ . . . . . . . . . . . . . . .87

12. LA PEUR ET SES ESPACES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93

13. LES NOUVELLES PEURS SOCIALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99

14. LA PEUR DE L’AVENIR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .107

15. LES VERTUS DE LA PEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115

16. SURMONTER LA PEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .121

17. L’ART DE FAIRE PEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .125

SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131

GLOSSAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133

Anne Bazin, diplômée de Sciences Po Paris, est maîtresse de conférences en science politique à Sciences Po Lille dont elle est la directrice-adjointe.

Cédric Passard, diplômé de Sciences Po Lille et agrégé de sciences économiques et sociales, est maître de conférences en science politique à Sciences Po Lille.

David Descamps est professeur agrégé de sciences économiques et sociales au lycée Faidherbe de Lille et doctorant en sociologie au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé).

Agathe Foudi, diplômée de Sciences Po Lille, est professeure agrégée de sciences économiques et sociales au lycée Faidherbe de Lille et doctorante en sociologie au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé).

Denis Ramond, diplômé de Sciences Po Bordeaux et certifié en lettres modernes, est docteur en science politique de Sciences Po Paris, spécialiste de philosophie politique.

Sidonie Verhaeghe, diplômée de Sciences Po Lille, est maîtresse de conférences en science politique à l’université de Lille, spécialiste d’histoire des idées.

La peur n’est-elle qu’un phénomène naturel ?

Consubstantielle à la vie et inhérente à la fragilité biologique de l’humain, la peur constitue une expérience universellement partagée. Cette expérience commune présente tout de même des spécificités: “avoir peur” est en réalité une épreuve au cours de laquelle chaque individu fait face à “ses” peurs. L’universalité de ce sentiment se conjugue ainsi à une certaine variabilité. L’enjeu de cette fiche introductive consistera d’abord à cerner le phénomène que l’on désigne par “peur” et à le distinguer d’autres états socio-psychiques proches. Il s’agira ensuite de montrer que celui-ci est soumis à des variations sociales dont on cherchera à dégager quelques-uns des facteurs déterminants.

 

LA PEUR: UN PHÉNOMÈNE UNIVERSEL

La peur est communément considérée comme quelque chose de naturel : on en parle d’ailleurs souvent au singulier comme s’il s’agissait là d’un phénomène uniforme. Cette représentation commune de la peur s’accorde ainsi assez bien avec la conception purement biologique qui en a été forgée. Comme le souligne la neuroscientifique Gina Devau (2016), “quel que soit le stimulus qui provoque la peur, c’est l’activation de l’amygdale qui déclenche le processus réactionnel”. Ce processus se manifeste alors au travers d’un enchaînement de symptômes bien connus et relativement communs à tous les individus: “la respiration se bloque, l’estomac se noue, les poils se hérissent, la bouche devient sèche jusqu’à en avoir des sueurs froides et des palpitations.” (Devau, 2016). Derrière cette apparente uniformité, il faut bien reconnaître néanmoins que la peur éprouvée en réaction à certaines situations ne recouvre jamais totalement la même réalité. En fait, si la réaction biologique au cœur du déclenchement de “la” peur s’associe à des émotions proches, celles-ci restent distinctes les unes des autres, en fonction notamment du rapport que l’individu peut avoir à l’égard du danger. Ce rapport le place dans des “états” socio-psychiques protéiformes que la langue française permet d’ailleurs de différencier (Szulmajster-Celnikier, 2007). Celle-ci nous offre en effet une pluralité de mots pour décrire des sensations très variables, que ce soit en intensité (crainte, effroi, épouvante) ou en durée (frayeur, phobie).

De manière générale, on définit la peur comme “une émotion ressentie […] en présence ou dans la perspective d’un danger, c’est-à-dire d’une situation comportant la possibilité d’un inconvénient ou d’un mal qui nous affecterait.” (Natanson, 2008). L’angoisse est associée quant à elle à “une inquiétude, à certains égards semblable à la peur, mais dans laquelle le danger qui caractérise celle-ci reste indéterminé.” (Natanson, 2008). On distingue également la peur de l’anxiété : tandis que la peur constitue “une réponse émotionnelle à un danger imminent, réel ou perçu” (Lebeau, 2018), l’anxiété apparaît plutôt comme une réponse émotionnelle qui repose sur “l’anticipation d’un danger potentiel” et qui se traduit alors par une “hypervigilance” (Lebeau, 2018). Et, tandis que l’angoisse renvoie à une émotion violente, aiguë, mais passagère – on parle souvent de “crises d’angoisse” –, l’anxiété s’associe plutôt à une émotion diffuse, relativement vague mais plutôt durable – on définit d’ailleurs souvent les “troubles de l’anxiété” comme des “peurs chroniques”.

Si la peur comporte une dimension biologique et psychologique (voir fiche 2), elle n’y est cependant pas irréductible. Selon Bernard Paillard, “la peur humaine, prise entre son enracinement biologique et ses expressions sociales et culturelles, échappe à l’analyse simple” (1993). D’un point de vue sociologique, la peur apparaît ainsi comme un phénomène complexe. Tout d’abord, il s’agit là d’un phénomène qui s’apprend. Au fil des expériences socio-biographiques que les individus connaissent, ils apprennent en effet à reconnaître les “dangers” propres à l’environnement dans lequel ils évoluent et à en avoir peur. Les membres d’une même société en viennent ainsi bien souvent à intérioriser des peurs spécifiques à leur culture. Mais si la peur est un phénomène social, c’est aussi parce qu’elle constitue une source importante d’apprentissage. Lorsque l’on a peur, on peut en effet en analyser la cause et chercher à s’en prémunir. Cette émotion favorise alors l’acquisition d’un certain nombre de savoirs socialement situés et la formation de dispositions sociales nous permettant d’éviter les dangers. Du fait de son ancrage social, la peur ne peut donc pas plus être considérée comme un phénomène purement biologique que comme un phénomène purement individuel : il s’agit bel et bien aussi d’un phénomène collectif, c’est-à-dire d’un phénomène dont les formes sont collectivement partagées, et qui naît de la vie en société. Comme l’explique le sociologue Norbert Elias (1975), “la contemplation de l’histoire nous apprend à quel point les craintes qui agitent l’homme sont l’œuvre d’hommes. Bien entendu, la faculté d’éprouver de l’angoisse est […] une donnée inaliénable de la nature humaine. Mais l’intensité, la tonalité et la structure des craintes qui couvent au fond de chaque individu […] dérivent en dernière analyse de l’histoire, de la structure des interrelations humaines, de la structure de la société ; et elles se transforment avec celle-ci”.