Le monde de l'imprimé 1470-1680
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Le monde de l'imprimé 1470-1680

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Gérald Chaix

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LA référence pour le sujet d'histoire moderne de l'agrégation

Fiche technique

Référence
460664
ISBN
9782350306643
Hauteur :
17,8 cm
Largeur :
12 cm
Nombre de pages :
432
Reliure :
broché

Professeur d’histoire moderne à l’université de Tours, Gérald Chaix est aujourd’hui émérite. Il y a dirigé le Centre d’études supérieures de la Renaissance, dont l’un des axes majeurs est l’histoire des imprimés, celle du livre comme celle des images. Il est spécialiste du Saint-Empire et s’apprête à publier une histoire de Cologne au XVIe siècle. Son domaine de recherches le porte vers l’histoire religieuse et culturelle au “temps des Réformes”, entre le XIVe et le XVIIe siècles. Il travaille notamment sur une histoire des Chartreux et, à travers eux, sur celle du silence et de la solitude dans l’Europe moderne.

L’Église catholique romaine et la censure

L’Église a très tôt élaboré le droit de censurer*, c’est-à-dire d’exercer un contrôle sur les doctrines enseignées ou exprimées, notamment par l’intermédiaire de l’écrit. Au fil des siècles, du premier concile de Nicée (325), qui condamna l’enseignement d’Arius, jusqu’à celui de Constance qui condamna ceux de Wyclif et de Hus (6 juillet 1415), papes, conciles et évêques n’eurent de cesse de dénoncer les livres hérétiques. À partir des XIe et XIIe siècles, la destruction des écrits par le feu, qui avait des antécédents dans l’Antiquité, fut régulièrement pratiquée. Elle était ritualisée : lieu (place de grève ou marché), environnement sonore (sonnerie de cloche, signal de trompette et roulement de tambour), lecture publique de la condamnation, exécution de la sentence par le bourreau. Dans l’Italie du XVe siècle et de Savonarole, comme à Paris, elle accompagna les appels à la réforme et les condamnations des “vanités” (bruciamenti delle vanità).

Dans un premier temps, l’apparition de l’impression ne changea pas fondamentalement la situation. Le contrôle pouvait se faire préventivement (approbation du manuscrit) ou postérieurement (saisie de l’édition, condamnation du livre). À l’échelle de la chrétienté, les papes réclament une grande vigilance et confient aux évêques le soin d’exercer cette surveillance au niveau de leur diocèse respectif (Inter multiplices, 1487 et 1501 ; 5e concile du Latran en 1515 qui reprend et conforte les mesures précédentes). Elles leur enjoignaient de confisquer et de brûler les livres suspects.

Le développement de la Réformation, l’augmentation du nombre des impressions circulant, l’élargissement de leur diffusion, la volonté de réaffirmer l’autorité pontificale, mais aussi la difficulté à agir de manière préventive ou immédiate, conduisirent la papauté à dresser la liste des livres interdits, à signaler le cas échéant les auteurs suspects, voire les villes dont la production était explicitement ou par prétérition considérée comme condamnable. Les listes se succédèrent, plus ou moins sévères en fonction notamment de l’attitude pontificale. La première fut établie en 1559, sous le pontificat de Paul IV, en lien avec l’Inquisition, mise en place en 1542 par Paul III (bulle Licet ab initio). Son autorité ne s’exerça vraiment que dans les États de l’Église. De nombreuses villes, acquises à la Réformation, l’ignorèrent (Bâle, Francfort, Zurich, etc.), ainsi que plusieurs territoires et États, notamment en Italie (Milan, Naples, Venise, Toscane). Elle comprenait quelque 550 auteurs, dont Boccace, Érasme, Machiavel et Rabelais.

Lors de la XXIVe session du concile réuni à Trente, la mise en place d’une commission de l’Index fut décidée. La responsabilité en fut confiée au pape (Decretum de indice librorum, 3 décembre 1563). Le 24 mars 1564, Pie IV publia un nouvel Index (Dominici gregis custodiae). Il comportait trois indices : celui des auteurs dont tous les livres étaient interdits, celui des auteurs dont certains ouvrages étaient condamnés, celui des livres anonymes. L’Index fut complété en 1571 sous le pontificat de Pie V. En mars 1571, le contrôle fut confié à une “congrégation” – un élément de l’administration romaine – ad hoc, instituée par Pie V et confirmée un an plus tard, le 13 septembre 1572, par Grégoire XIII. Les livres “hérétiques” n’étaient pas les seuls à être mis à l’index : des humanistes comme Érasme, des auteurs comme Copernic, ou des “réformateurs” catholiques y furent également inscrits. En 1596, un nouvel Index (“clémentin”, du nom du pape Clément VIII qui le promulgua) reprit les trois catégories distinguées en 1564, y ajouta un index des livres figurant sur les différents index publiés en Europe depuis 1564 et réintroduisit l’interdiction de lire la Bible en langue vernaculaire. Il condamnait environ 2 100 ouvrages. Un siècle plus tard, en 1701 (l’index de Clément XI), on était passé à 11 000 titres. En 1607, un nouveau type d’index apparut : celui des livres à expurger. Il comprenait six sections : théologie, droit, médecine, philosophie, mathématiques et humanités. L’Allemagne paya un lourd tribut dans le cadre de cette politique répressive. Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, 3 841 ouvrages furent condamnés. Ils concernaient 740 auteurs. Mais ce nombre révèle tout autant l’échec d’une censure dénuée de moyens d’exécution qu’une mise en œuvre faite de manière décousue. Elle ne concernait d’ailleurs que les impressions s’adressant à une élite et manquait sa cible en ce qui concernait les impressions “populaires” : libelles, placards, chansons et images. Elle favorisa cependant une forme d’autocensure, en particulier dans le monde catholique, en “dramatisant” ce qui, pour la papauté, était avant tout la défense de l’ordre du monde et en en faisant la marque de l’aveuglement et de l’intolérance.