

Par Gérard Salamon
France met. : 3€ ⭢ 25€ d'achat, 6€ ⭢ 50€, 9€ ⭢ 100€, 12€ au-delà. DOM-TOM : 9€, 13€, 18€, 25€
Gérard Salamon est un enfant de la République, un de ces hussards qui croit en nos valeurs communes et les a fait vivre au quotidien. Il nous offre ici des leçons de vie, une centaine de petite saynètes qui, de son enfance aux jurys de concours, parsèment un parcours hors du commun. Petit garçon dans les années cinquante du Paris populaire du XVIIIe arrondissement, né dans une famille juive ayant survécu à la Shoah, il semble avoir gardé tout au long de sa vie la bienveillance et l’humour caustique qui le caractérisent. Des vacances en deux-chevaux aux bancs de la fac de Vincennes, du kibboutz à Normale Sup, des stations huppées de sport d’hiver aux campings bucoliques, du service militaire aux ruines de Sicile ou des lycées de banlieue aux tatillons services du ministère de l’Intérieur, Gérard Salamon nous plonge dans des atmosphères vécues et nous confronte à des situations cocasses révélatrices de nos contradictions et petits travers.
On rit et on sourit à la lecture des péripéties de cet homme aussi droit que généreux, jamais dupe de lui-même et nourri de trois cultures : républicaine, juive et latine.
Fiche technique
Gérard Salamon a été maître de conférences hors classe, enseignant à l’ENS de Lyon (département des Lettres). Il enseignait la langue et la littérature latines. Il a publié plusieurs ouvrages sur la culture latine, parmi lesquels À la rencontre de l’étranger et Clio et ses disciples (Les belles-lettres, 2008 et 2014).
Fort de l’accord de mon père pour que j’aille au lycée, mon maître m’avait proposé de présenter l’examen d’entrée en sixième, qui à cette époque était obligatoire pour un élève de cours moyen première année. J’avais accepté sans me poser de questions et j’avais réussi l’examen au-delà de toute espérance. J’en étais, légitimement de mon point de vue, très fier ; un peu trop sans doute, car mes parents, conseillés par une partie de la famille que je soupçonne toujours d’avoir agi, non pas dans mon intérêt mais par jalousie, en conclurent que je manquais de maturité et exigèrent que je fasse ma dernière année d’école primaire. Le résultat ne se fit pas attendre: j’avais changé d’instituteur et, en dépit du fait que celui-ci m’avait préparé un programme d’exercices adapté, je m’ennuyais et j’étais, je le reconnais sans peine, absolument insupportable. C’est alors que mon maître de CM1 reprit les choses en main: il me fit venir dans sa classe et, au lieu de me réprimander, il me proposa de venir à l’école le jeudi – c’était le jour où, les plus âgés s’en souviennent, nous n’avions pas classe – pour travailler avec lui. “Si tu en es d’accord, me dit-il, je pourrais te donner des cours de latin.” Sa proposition me surprit : j’étais toujours prêt à apprendre et aller à l’école le jeudi me convenait très bien. Mais pourquoi des cours de latin ? J’aurais plutôt pensé à des cours de science. “Mon garçon”, me dit-il, “pour sortir de sa condition et combattre la bourgeoisie il faut avoir la culture de la bourgeoisie.” Cet appel à la conscience de classe qu’il avait senti se former en moi, suffit à me convaincre. J’apprendrai donc le latin.