Par Marie-José Gransard
France met. : 5€ ⭢ 24€ d'achat, 10€ ⭢ 48€, 15€ ⭢ 96€, 20€ au-delà. DOM-TOM : 12€, 20€, 28€, 40€
Peu de villes ont le poids littéraire de Venise. Au-delà du cliché, la ville se dévoile à travers le regard de ceux qu’elle a fasciné à différents moments de ses mille ans d’existence. L’ouvrage fait se côtoyer des plumes illustres et celles d’auteurs vénitiens contemporains qui vivent la ville au quotidien.
Organisé autour de 50 mots-clefs qui, de Acqua Alta (l’inondation) à Zecchini (en passant par Casanova, Donne (femmes), Fenice, Gialli (polars) ou Sogno (rêve)) ce lexique amoureux rassemble pour chaque entrée une courte introduction éclairant les aspects de Venise sous un angle historique, géographique ou anecdotique, un texte littéraire en version originale, sélectionné avec soin, et, sauf pour les textes de Théophile Gautier, Musset, de Staël, Stendhal, Cocteau, Proust ou Giono, sa traduction. Un joli petit livre bilingue qui invite à suivre les pas tracés par les textes de Dante, Goethe, Hermann Hesse, Allan Poe, Mark Twain, Henry James, Akhmatova, Pasternak et bien d’autres.
Fiche technique
Marie-José Gransard a fait ses études à la Sorbonne et à Oxford. Elle a enseigné les langues vivantes et la littérature en Russie et pendant plus de quarante ans à Londres. Elle a collaboré à des biographies sur Matisse et Lorenzo da Ponte, ainsi qu’à des expositions connexes. Depuis 2003, elle vit une partie de l'année à Venise, où elle a créé un programme de formation sur la Serenissima pour adultes italiens, explorant l’héritage littéraire des Vénitiens et des voyageurs du monde entier et présentant ses séminaires in situ. Régulièrement invitée, par l’Hôtel Danieli entre autres, à s’exprimer sur des sujets aussi variés que les ambassadeurs et espions ou la vie des Vénitiennes au travail, elle a notamment publié Venice, a Literary Guide for Travellers (Tauris, 2016), et Paris 1900-1950, a Literary Guide for Travellers (Tauris, 2020). Très engagée dans la protection de la ville, elle prépare un livre sur les anges de Venise et une publication sur le cinéma tourné à Venise.
À Venise, on aime voir les choses d’en haut et de loin, ce qui explique la présence de cette terrasse en bois, l’altana, installée sur les toits des maisons et palais, servant de belvédère ou de mirador. À l’origine, le but était surtout pratique: les Vénitiennes s’y installaient pour éclaircir leurs cheveux au soleil et obtenir ainsi ce fameux blond vénitien. De nos jours on y va plutôt pour étendre le linge ou savourer un apéritif tout en admirant la vue imprenable sur les foules et les ruelles sombres et humides.
Selon Henri de Régnier, l’altana est synonyme de Venise. Dans L’Altana ou la vie vénitienne (1928), il raconte comment, lors de son premier séjour en septembre 1899, alors tout récemment installé au palais Dario et ne pouvant s’endormir, il est tombé par hasard sur l’altana du palais: “Cette terrasse, ce belvédère est posé sur le toit du palais. De là je domine ses vieilles tuiles en pente et je voisine avec ses hautes cheminées dont l’une s’achève en forme de dé et dont l’autre se termine en entonnoir. Que vois-je encore? Un coin luisant du Grand Canal, le dôme arrondi d’une église, puis d’autres toits, d’autres cheminées, tout cela baigné d’une clarté d’une lune éblouissante, enveloppé d’un silence profond où je perçois cependant, lointain et comme sourdement rythmé, un murmure qui est une présence et que je saurai plus tard être le murmure de la mer montante sur les plages du Lido ; mais ce soir ce murmure n’est pour moi que la respiration de la magicienne endormie et le vivant soupir de sa beauté. Ce soir, je ne sais qu’une chose, en cette belle nuit de septembre 1899, c’est que ce silence, ce clair de lune, ce palais, cette terrasse vénitienne que je n’appelle pas encore une altana, tout cela c’est Venise et que je suis heureux.”